Passation d'un marché de travaux – Réhabilitation d'une voirie communale (Est. 8 500 000 MAD)
Introduction
Conformément au régime juridique applicable aux collectivités territoriales et à la réglementation des marchés publics, la passation d'un marché de travaux par une commune doit s'inscrire dans un processus administratif et juridique rigoureux garantissant la transparence, la concurrence et l'efficacité de la dépense publique. Le présent développement se fonde principalement sur la loi organique n°113.14 relative aux collectivités territoriales, le décret n°2.22.431 portant réglementation des marchés publics applicables aux collectivités territoriales et organismes locaux, ainsi que sur les textes connexes régissant la commande publique (notamment les dispositions nationales encadrant la publicité, la mise en concurrence, les garanties et les voies de recours). Il vise à déterminer la procédure de passation adaptée à un marché de travaux estimé à 8 500 000 MAD et à énumérer, depuis la programmation initiale jusqu'à la signature, les étapes et obligations indispensables.
Développement
1. Procédure de passation à retenir
Au vu de l'estimation du marché (8 500 000 MAD) et des dispositions du décret n°2.22.431 relatives aux procédures selon les seuils et la nature des marchés, la procédure appropriée est l'« appel d'offres ouvert » (procédure ouverte) de portée nationale. Cette procédure doit être retenue lorsque la nature et l'importance des travaux exigent une mise en concurrence large garantissant la transparence et l'égal accès des opérateurs économiques. Si le décret prévoit un seuil international supérieur à ce montant, la procédure restera nationale; à défaut d'obligation internationale, la procédure ouverte nationale s'impose.
2. De la programmation initiale à l'engagement de la dépense : étapes préalables obligatoires
- Programmation et inscription au budget : intégration du projet au plan communal d'investissement / programme pluriannuel, approbation par le conseil communal conformément à la loi organique n°113.14 et aux règles budgétaires (prévision et affectation de crédits).
- Études préalables : réalisation des études techniques (AVP, APD, métrés et DQE), études géotechniques et environnementales nécessaires pour formuler un CCTP clair et chiffré.
- Estimation financière : établissement d'une estimation fiable et d'un bordereau quantitatif estimatif (DQE) pour déterminer l'assiette du marché et les éventuels seuils réglementaires.
- Autorisation / visa : vérification des habilitations et approbations internes (le cas échéant avis des services financiers et juridiques) et, si applicable, émission d'un avis préalable ou d'un mandat de lancement par l'organe compétent de la commune.
3. Préparation du dossier de consultation des entreprises (DCE) : contenu et obligations
Le DCE doit être complet, précis et permettre une mise en concurrence effective. Il comprend notamment :
- l'avis d'appel d'offres (AAO) ;
- le règlement de la consultation (RC) précisant la procédure, les délais, les modalités de remise des offres et le traitement des variantes ;
- le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) ;
- le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) ;
- le bordereau des prix unitaires et le DQE ;
- l'acte d'engagement et le projet de contrat ;
- les modèles de garanties (caution provisoire, caution définitive), assurances, attestations fiscales et CNSS exigées ;
- les plans, études et spécifications techniques ;
- les critères d'attribution et leur pondération (doivent être clairs et publiés dans le DCE).
4. Publicité et mise en concurrence
- Obligations de publicité : publication de l'avis d'appel d'offres sur la plateforme nationale des marchés publics, dans un journal d'annonces légales national et, si exigé par le décret, au Bulletin Officiel ou au Journal Officiel. Publication locale (presse régionale) recommandée par la commune pour assurer une large diffusion. La publicité doit respecter les délais minima prescrits par le décret n°2.22.431.
- Délai de remise des offres : le délai minimal juridique (fixé par le décret) doit être respecté pour garantir une concurrence effective ; la commune doit veiller à ne pas réduire ce délai.
- Accès au DCE : modalités de retrait ou de téléchargement précisées (gratuité ou paiement) et enregistrement des candidats pour garantir traçabilité.
5. Critères d'attribution et méthode d'évaluation
Conformément au principe de l'offre économiquement la plus avantageuse (principe consacré par la réglementation des marchés publics), le marché doit être attribué sur la base de critères objectifs, publiés dans le DCE, tels que :
- le prix (pondération clairement définie) ;
- la valeur technique (qualité des moyens humains et matériels, méthodologie d'exécution, calendrier d'exécution) ;
- les délais d'exécution ;
- les garanties et modalités de maintenance ;
- critères relatifs à la sécurité, à l'environnement ou à l'innovation, le cas échéant.
La pondération et la méthode de cotation doivent être explicites et faire partie intégrante du RC/DCE afin d'éviter toute contestation.
6. Garanties exigibles
- Caution de soumission (garantie provisoire) : exigée pour garantir la stabilité des offres pendant la période fixée ; son montant est défini dans le DCE.
- Garantie de bonne exécution : sous forme de caution ou retenue de garantie, exigée après notification du marché ; montant généralement exprimé en pourcentage du montant du marché (prévoir le pourcentage applicable selon le décret / CCAP).
- Assurances : assurances responsabilité civile, décennale (pour travaux, si applicable) et autres garanties exigées par le CCAP.
7. Rôle des instances communales et de la commission compétente
- Conseil communal : adopte la programmation, approuve les crédits budgétaires et, lorsque la réglementation l'exige, donne l'arrêté ou la délibération préalable nécessaire au lancement de la procédure conformément à la loi organique n°113.14.
- Président de la commune / autorité contractante : engage la procédure, représente la commune pour la signature des actes et veille au respect des décisions du conseil et des prescriptions légales.
- Commission des marchés (commission compétente) : organe décisionnel pour l'ouverture, l'analyse des offres et la proposition d'attribution. Sa composition, ses attributions et son fonctionnement sont fixés par le décret n°2.22.431 (composition pluridisciplinaire, membres techniques, financier, juridique, et président). Ses missions comprennent l'ouverture des plis, la vérification des pièces administratives, l'évaluation technique, l'établissement des procès-verbaux (PV) et la proposition d'attribution motivée.
8. Traitement des variantes et des offres anormales
- Variantes : seules les variantes autorisées et clairement régies par le DCE peuvent être prises en compte. Le RC doit préciser s'il accepte ou refuse les variantes et, le cas échéant, la méthode de comparaison entre l'offre de base et les variantes.
- Offres anormales : lorsqu'une offre paraît anormalement basse par rapport aux autres ou au montant estimé, la commission demande au soumissionnaire des justifications techniques et financières. Si les explications sont insuffisantes, l'offre doit être rejetée conformément aux dispositions du décret. L'analyse doit être motivée et consignée dans un PV.
9. Attribution, notification et signature du marché
- Proposition d'attribution : formulée par la commission et soumise à l'autorité compétente (ex. Président de la commune) pour décision finale ; doit être motivée et documentée.
- Notification : notification du résultat aux soumissionnaires et respect d'un délai de standstill (délai de recours préalable éventuel) prévu par la réglementation avant la signature (délai à respecter selon le décret applicable).
- Fourniture des garanties : après notification, l'attributaire fournit la caution de bonne exécution et les assurances requises avant signature du contrat.
- Signature du marché : acte final matérialisant l'engagement ; la commune veille à la conformité du contrat au DCE et aux règles de passation.
10. Voies de recours et sanctions en cas d'irrégularité
- Recours administratifs : recours gracieux auprès de l'autorité contractante ou recours administratif préalable si prévu par le décret.
- Recours contentieux : recours juridictionnel devant le tribunal administratif compétent en matière de marchés publics pour contester l'attribution, les irrégularités de procédure ou demander l'annulation du marché. Des procédures d'urgence ou de suspension peuvent être sollicitées selon les règles de procédure administrative.
- Sanctions : annulation du marché pour vices de forme ou violation substantielle des règles de passation ; mise en responsabilité administrative et financière de l'ordonnateur ou des agents publics en cas de faute lourde ; sanctions à l'encontre des soumissionnaires fraudeurs (exclusion, pénalités, responsabilité pénale en cas de corruption ou collusion). Les déficiences de publicité ou d'égalité de traitement peuvent entraîner la nullité de l'acte et des poursuites disciplinaires.
11. Difficultés pratiques et recommandations opérationnelles
- Veiller à la qualité des études préalables pour réduire les risques d'offres anormales ou de surfacturation.
- Publier largement les avis et mettre le DCE facilement accessible (plateforme des marchés publics) pour garantir concurrence et traçabilité.
- Préciser dans le DCE les critères et leur pondération pour éviter les contestations. Documenter chacune des étapes par des PV signés.
- Former les membres de la commission et les services communaux aux exigences du décret n°2.22.431 et aux règles de déontologie pour limiter les risques contentieux.
12. Références juridiques importantes (exemples)
- Loi organique n°113.14 relative aux collectivités territoriales (organisation, compétences et gouvernance locale).
- Décret n°2.22.431 portant réglementation des marchés publics applicables aux collectivités territoriales (procédures, publicité, commission, DCE, garanties, traitement des offres).
- Texte(s) relatifs à la commande publique (lois et décrets nationaux encadrant la publicité, les recours et les sanctions).
- Autres textes sectoriels applicables (codes techniques, réglementation environnementale, règles d'urbanisme le cas échéant).
Conclusion
Pour la réhabilitation d'une voirie communale estimée à 8 500 000 MAD, la commune doit privilégier la procédure d'appel d'offres ouvert national, conforme aux exigences du décret n°2.22.431 et au cadre institutionnel de la loi organique n°113.14. Le succès de la passation repose sur une programmation rigoureuse, des études préalables de qualité, un DCE complet et transparent, une publicité large et le respect strict des règles de mise en concurrence, d'évaluation et des garanties. Le respect scrupuleux des étapes formelles (préparation, publicité, ouverture, évaluation, notification, garanties, signature) protège la collectivité contre les risques contentieux et financiers. Enfin, la gouvernance locale, la formation des acteurs et la traçabilité documentaire sont des leviers essentiels pour améliorer la performance des marchés publics locaux et assurer une gestion efficiente et transparente du patrimoine public.
Fait conformément aux dispositions applicables et aux règles de bonne gouvernance des collectivités territoriales.
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